Raphaël Vieux, Directeur des Collections et du Marketing chez Lafuma, présente la marque qui l’emploie. Eclairage sur l’un des pionniers du matériel de sport de plein air depuis 1930.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour nos lecteurs et nous expliquer en quoi consiste votre poste au sein de Lafuma ?
J’ai 35 ans, diplômé de l’ESSEC avec une spécialité marketing et stratégie. J’ai rejoint Lafuma après 11 ans dans le Groupe LVMH où j’ai travaillé auprès des marques Parfums Christian Dior, Berluti, Givenchy Couture. Mon poste de Directeur des Collections et du Marketing consiste à superviser le développement des collections Outdoor de Lafuma (textile, équipement, chaussures) depuis les premiers dessins jusqu’à la mise sur le marché, en veillant à la cohérence de la gamme, la structure de prix, la technicité et l’attractivité des produits.
J’ai aussi la responsabilité de la communication autour du produit, qui va de l’étiquetage aux visuels publicitaires, en passant par le site internet et les contenus vidéos.
Je veille à ce que les équipes de stylistes, chefs de produit, développeurs, infographistes et chargés de communication travaillent collectivement dans la même direction, pour que l’image donnée par nos produits et leur environnement soit cohérente avec le positionnement souhaité pour Lafuma.
Comment se positionne la marque sur le marché des vêtements de sport outdoor par rapport à vos concurrents ?
Lafuma se distingue notamment par deux éléments :
– Lafuma est fabricant : l’une des rares marques d’outdoor, sinon la seule, à posséder encore en propre un outil industriel, et donc un réel savoir-faire.
– Depuis ses débuts, Lafuma s’évertue à démocratiser la technicité pour en faire profiter le plus grand nombre.
Lafuma, marque française, est très sensible aux questions liées à l’environnement. Comment cela se traduit-il dans vos collections ?
En effet, nous considérons que les acteurs et pratiquants des sports et loisirs en nature se doivent d’être les premiers défenseurs de l’environnement. Sous l’impulsion de Philippe Joffard (Président du Groupe Lafuma), nous avons mis en place une cellule Développement Durable qui veille au respect de notre charte environnementale, tant en interne qu’auprès de nos partenaires et fournisseurs. Cette cellule veille également à l’accroissement constant du nombre de produits éco-conçus dans la collection (ex. : 60% de la collection textile sur la collection printemps-été 2013).
Nous comptabilisons les produits particulièrement avancés en éco-conception grâce au label Pure Leaf, basé sur des critères mesurables tels la consommation énergétique dans l’élaboration du produit, le pourcentage de matière recyclée, le transport par voie fluviale plutôt que l’avion, la prise en compte de la durée de vie du produit et de son traitement en fin de vie. Autant de critères qui ont permis à Lafuma d’être précurseur dans la mise en place d’un système de notation, dit eco-rating. Celui-ci permet au consommateur de connaître l’impact environnemental du produit lors de l’acte d’achat. Cette notation est actuellement en test et sera déployée progressivement à partir de début 2012.
Les vêtements Lafuma sont très techniques. Faites vous intervenir des sportifs de haut niveau lors de leur élaboration ? Ou les faites-vous tester avant leur mise sur le marché ?
Les deux. Nous avons la chance de compter parmi nos conseillers techniques de grands noms de l’alpinisme (Catherine Destivelle, Christophe Dumarest, Arnaud Petit, etc.) et du trail (Karine Herry, Corinne Favre, Antoine Guillon, Pascal Blanc, etc.).
Nous sollicitons nos conseillers techniques sur différents segments en fonction de leur compétence, dès la conception des nouveaux produits. Ils interviennent ensuite en testeurs dans des conditions d’utilisation intensives ou extrêmes. Nous testons également les matières sélectionnées dans notre laboratoire interne, puis nous effectuons des contrôles qualité sur les produits finis pendant et après la production, avant la mise sur le marché. Pour certains produits, nous faisons appel à des laboratoires externes (comme le CTC pour la chaussure) avec lesquels nous avons élaboré des protocoles de test spécifiques qui nous permettent de comparer la performance réelle et perçue de nos produits par rapport à la concurrence. Précisons par ailleurs que Lafuma s’associe à des labels tels que Gore-Tex, Polartec ou Vibram. C’est une garantie supplémentaire de qualité quant aux matières utilisées.
Quels sont vos sports de prédilection ?
La randonnée, le trail et lalpinisme. La randonnée est notre plus gros marché, la clé de voûte de nos collections. Elle associe l’activité physique au plaisir de la nature, et se pratique souvent à plusieurs. De ce fait, elle est en lien étroit avec des valeurs clés de la marque comme évasion, plaisir, convivialité, respect de la nature.
Pour Lafuma, le trail est une extension de la randonnée. Le même plaisir de la nature, avec la recherche de performance en plus. C’est pour la marque un laboratoire : la F1 de la randonnée. La recherche investie dans le trail nous permet de faire évoluer nos produits de randonnée (notamment en matière de légèreté et de performance).
Enfin l’alpinisme est le complément vertical de l’édifice. L’Arc Alpin est le berceau de Lafuma. La marque et le Groupe Lafuma (dont font également partie Eider et Millet, Ndlr.) s’investissent pour préserver l’Arc Alpin (partenariat avec le WWF, opération annuelle de nettoyage de la Mer de Glace), former les guides de haute montagne (partenariat avec le CAF), et soutenir différents acteurs sur le terrain des Alpes mais aussi jusqu’en Chine.
Pouvez-vous nous donner le CA de la marque ? Le segment chaussures représente-t-il une part importante ?
Nous communiquons sur le chiffre d’affaires du pôle Great Outdoor au sein du Groupe Lafuma, pôle dont Lafuma est le principal acteur : 83 millions d’euros sur l’exercice clôturé en septembre (et 245 millions d’euros pour le Groupe). Le segment chaussures représente environ 20% de notre CA Outdoor.
Depuis quelques mois, l’ultra trail fait de plus en plus parler de lui. Lafuma y est d’ailleurs très présent. Comment expliquez-vous ce succès si soudain, sachant que ce sport est extrêmement physique et traumatisant ?
Avant l’ultra-trail, c’est le trail en général qui draine un nombre croissant de pratiquants. Nous nous en réjouissons car Lafuma a été parmi les premières marques d’Outdoor à s’intéresser à ce sport. Le succès du trail peut s’expliquer pour partie par un double besoin de retour à la nature et de connaissance de soi. Si le trail est parfois perçu comme un sport traumatisant, il l’est moins que la course sur bitume et permet des parcours (les ultras) nettement plus longs que les marathons, pouvant durer plusieurs jours. Les ultra-trailers côtoient les limites de leur corps qu’ils apprennent à connaître parfaitement.
Un mot sur votre domination dans le marché du sac à dos?
Le sac à dos, c’est toute l’histoire de Lafuma! Dans les années 1930, les sacs à dos connaissent leur essor avec l’invention par Lafuma, à Anneyron, des sacs à dos à armature métallique, permettant de porter des charges importantes dans un confort relatif. Dans l’inconscient collectif français, le sac à dos Lafuma reste celui des premiers congés payés, celui qui a accompagné la première ascension de l’Everest, celui de l’Armée Française. Depuis, Lafuma a su faire évoluer ses collections vers plus de confort et de légèreté, en conservant la robustesse qui a fait sa réputation. La plupart des nouveaux modèles sont encore développés dans l’atelier de prototypage de Lafuma à Anneyron, et produits pour une grande part dans une usine appartenant à la marque. C’est un vrai savoir-faire dont nous pouvons être fiers. Pour autant, c’est un marché concurrentiel, et nous restons très vigilants sur la qualité, la pertinence, et l’attractivité de nos modèles.
Propos recueillis par Alain Jouve
Résultats annuels 2010/2011
Le chiffre d’affaires 2010/11 du Groupe LAFUMA s’élève à 249,4 millions d’euros, en croissance de 1,6% par rapport à l’exercice 2009/2010, porté par la bonne dynamique du pôle Montagne et le retournement des pôles Country et Grand Outdoor. A activités comparables, le chiffre d’affaires augmente de 2,4%. Soutenus par les performances des pôles Montagne et Outdoor, tous les indicateurs de rentabilité du Groupe sont en progression :
La marge brute augmente de 2,3 points à 53,9%
Le résultat opérationnel courant est multiplié par trois, soutenu par une bonne maîtrise des charges
Le résultat opérationnel atteint 7,4 millions deuros, soit une marge opérationnelle de 3,0% contre 0,2% l’an passé, après la prise en compte de 1,5 million deuros déléments exceptionnels négatifs non récurrents
Le résultat net redevient positif avec un bénéfice net pour l’exercice de 3,9 millions d’euros, contre une perte nette de 3,6 millions d’euros un an plus tôt
L’Ebitda ressort en croissance de +37,0% à 16,6 millions d’euros. L’endettement net du Groupe est passé de 43,7 millions d’euros à 48,0 millions d’euros, représentant 44% des capitaux propres dans le respect de ses deux covenants bancaires, dont EBITDA sur fonds propres à 2,9 vs 3,5.
Le retour à la croissance du Groupe a entraîné l’augmentation de certaines lignes de stocks de 15 millions d’euros au total. En conséquence, le besoin en fonds de roulement représente 28,2% du chiffre d’affaires, contre 25,9% au 30 septembre 2010.