Coupe de l’America 2003 : douze défis pour un pichet sans fond

Jamais le plus vieux trophée sportif n’a autant excité les convoitises. Etat des lieux six mois après la fin de l’édition 2000.

Sans fond, l’aiguière d’argent qui récompense le vainqueur de l’America’s Cup ne l’est pas qu’au sens propre. La prochaine édition (à Auckland en 2003) de cette compétition par essence excessive promet de battre de nouveaux records en matière de surenchère financière.
D’abord parce que c’est la première fois que le marché des transferts – en fait, il s’agit principalement du pillage de Team New Zealand, le détenteur du trophée, par ses futurs challengers – s’active aussi rapidement et met en jeu des sommes aussi importantes : le skipper néo-zélandais Russell Coutts et son tacticien Brad Butterworth sont ainsi passés dans le camp du défi suisse d’Ernesto Bertarelli pour 10 millions de dollars, quelques semaines à peine après la fin de la dernière édition. Onze autres membres de l’équipage victorieux plus l’architecte Laurie Davidson ont ainsi préféré les sirènes sonnantes et trébuchantes au patriotisme et à la fidélité qui constituaient – croyait-on – le ciment de la cohésion kiwi.
D’autre part, on pensait révolue l’ère des magnats qui, à l’image de Lipton ou de Bich, vouaient leur fortune et leurs rêves à la quête de ce nouveau graal. Faux. Le patron italien de Prada, Patrizio Bertelli, vainqueur avec Luna Rossa de la Louis Vuitton Cup* et challenger malheureux face à Team New Zealand, repart pour un tour, en commençant par racheter les deux bateaux du défi newyorkais Young America, réputés les plus rapides de la dernière Louis Vuitton Cup. Ernesto Bertarelli, héritier du groupe pharmaceutique Serono, a montré qu’il ne venait pas faire de la figuration en achetant à prix d’or Coutts et Butterworth. Toujours en Suisse, le roi de la montre Pierre-Olivier Effig lance un deuxième défi, WatchOut.
Aux Etats-Unis, le défi de Paul Cayard, AmericaOne (finaliste de la Louis Vuitton Cup), est en passe d’être racheté par Larry Ellison, le PDG d’Oracle. Craigh McCaw, fortune californienne des télécoms, soutient le défi du San Diego Yacht Club pour lequel il a acquis les services du skipper australien Peter Gilmour, ex-Nippon Challenge, et de l’architecte néo-zélandais Laurie Davidson. D’autres hommes d’affaires sont sur les rang derrière le défi suédois et derrière un des deux défis australiens déclarés (l’autre étant celui du vétéran Syd Fisher, qui comptera sur le talent du jeune James Spithill, barreur impressionnant de Young Australia). Les défis espagnol et japonais de la dernière Coupe se sont retirés. Le défi du New York Yacht Club, qui verra le retour de Dennis Conner (premier defender américain à perdre la Coupe depuis 1851, face à Australia 2, en 1983), un défi anglais autour du skipper Chris Law et le défi français autour de Bertrand Pacé (demi-finaliste de la Louis Vuitton Cup en janvier dernier) portent à onze la liste des challengers déclarés pour la prochaine Coupe de l’America. Douze avec le défi-fantôme Age of Russia, toujours partant.

Face à cette armada de businessmen capables de doter leur syndicat d’un budget de 50 millions de dollars, les tricolores auront fort à faire pour atteindre leur objectif : la finale de la Louis Vuitton Cup. L’équipe française compte sur un budget de 200 MF qui seul autorise la construction de deux Class America nouvelle génération. Pour l’instant, les 9 MF injectés par Bouygues Telecom vont permettre de lancer le programme de développement avec un budget confortable (6-7 MF, contre 3 pour la dernière édition) …et la recherche de partenaires, car l’opérateur de téléphonie mobile s’en tiendra à son investissement initial. Dans les couloirs des grands groupes industriels, la course a déjà commencé.

*Coupe des challengers, dont le vainqueur affronte le détenteur de la Coupe de l’America.

Castor

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