S’interroger en permanence sur les besoins du client.

La Balaguère a fêté son quart de siècle en 2010, et fait figure aujourd’hui d’une entreprise confortablement installée au fond d’une vallée pyrénéenne. A sa création, ce n’était qu’un modeste regroupement d’accompagnateurs autour d’un gîte d’étape. Vincent Fonvieille, directeur de La Balaguère, s’explique.

Pourquoi avoir créé La Balaguère?
-La Balaguère s’est créée toute seule. C’est juste une histoire de passion, celle de la montagne, d’une montagne, Les Pyrénées, et celle du voyage, de la rencontre. Une passion partagée, entre copains. Et La Balaguère, ça a été la volonté de partager cette passion plus largement, et d’en faire notre métier, en mettant l’Homme (avec un grand H) au centre de notre projet.

Comment a commencé l’histoire?
-Bien avant sa naissance en 1985, on peut dire que la Balaguère a été conçue en 1981 grâce à ma rencontre avec Gérard Caubet au fin fond de la forêt d’Estaing. Gérard était gardien du refuge de Migouelou. Il avait obtenu une coupe de bois de chauffage, j’étais forestier à l’ONF et chargé de lui marquer au pied les arbres à tomber. Le courant passe. Nous gambergeons sur nos projets de vie à la montagne avec l’enthousiasme de la trentaine. Il me parle de son projet de randos clés en main organisées au départ de son refuge… et se jette à l’eau crée Pyrénaïca qui sera un pionnier en la matière. En quelque sorte un brouillon de la Balaguère. A Pyrénaïca, j’apporte mon expérience en pays Cathare, ma première randonnée organisée… Chez moi, l’idée de Pyrénaïca fait tilt. Je rêvais moi aussi de faire de la montagne mon métier, de partager ma passion, de créer un gîte d’étape avec Ghislaine ma compagne, bref, de quitter l’ONF. Ces trois ingrédients seront le début de la Balaguère. Au cours de l’été 84, l’occasion se présente. Une magnifique maison bigourdane à vendre à Arrens, idéale pour un gîte. Ghislaine et moi nous lançons dans l’aventure. Avec peu d’argent mais beaucoup de travail, de coup de mains, d’enthousiasme et pas mal de chance, le gîte Camélat voit le jour à l’automne 1984. En parallèle, dans le but de faire tourner le gîte avec des séjours à forfait (le client est transporté, équipe, hébergé, nourri et accompagné, Ndlr.), l’idée de La Balaguère fait son chemin. Là aussi, une histoire de copains… qui aboutit à la création de l’association La Balaguère en janvier 1985. Rapidement, séduits par le rêve de conjuguer passion et gagne-pain, quelques amis accompagnateurs nous rejoignent. Avec Gérard, nos sentiers ont un moment divergé pour mieux se rejoindre plus tard.

Comment et pourquoi être passé en société Anonyme?
-Tout simplement parce que le statut associatif n’était pas adapté ; il nous a aidé à démarrer, mais La Balaguère était véritablement un projet professionnel, et notre activité était commerciale. Très vite, nous nous sommes rendus à l’évidence qu’il fallait évoluer vers un statut de société. Ce que nous avons fait en 1992. En Société Anonyme, avec comme associés tous les guides et accompagnateurs du début qui le souhaitaient (19 au total).

Mais comment passe-t-on du simple statut de copain à celui de PDG ?
-En fait, le passage d’association à Société Anonyme n’a absolument rien changé. Ni les valeurs de notre projet, ni le contenu ni l’esprit de nos randonnées, et pas davantage l’esprit d’équipe, et donc les relations entre nous. Tout a continué sans aucune difficulté. Je suis peut-être devenu davantage un chef d’entreprise, à savoir que c’est moi qui tranche quand nos avis divergent. Mais globalement, nous prenons toujours nos décisions collectivement. Le statut de SA nous a surtout obligé à davantage de rigueur, à mieux gérer…

Et aujourd’hui, c’est quoi La Balaguère?
-Une petite entreprise au fond d’une vallée pyrénéenne! Les qualités de la Balaguère sont restées celles des montagnards que nous sommes : l’enthousiasme, la passion, la solidarité, le partage, la capacité à surmonter les difficultés, l’envie d’aller toujours plus haut, un certain goût du risque mais la prudence aussi. Un quart de siècle après, la Balaguère est toujours fidèle à son idée de départ: proposer des randos et des voyages sans souci d’organisation pour le client. Le val d’Azun est toujours le centre de gravité de l’entreprise. Seul notre horizon a changé. C’est le monde.

Quels ont été les moments les plus difficiles depuis la création de La Balaguère?
-La perte de quelques amis. Notamment celle de Bunny. Un ami cher, un guide haute montagne de talent et d’une grande profondeur intellectuelle. Cofondateur de la Balaguère, il agissait comme le pilier moral de notre entreprise, le gardien de nos valeurs. Pour le reste, le plus difficile, bien entendu, c’est de se séparer de ses collaborateurs, de procéder à des licenciements quand les circonstances y obligent. Cela nous est arrivé à deux reprises. Ce sont des moments très difficiles moralement, pour moi et aussi
pour l’entreprise.

Comment expliquez-vous que vous ayiez réussi là ou d’autres ont échoué?
-D’abord, parce que jamais, jamais nous nous sommes dit qu’on avait réussi ! On n’a jamais réussi, et je crois sincèrement que si on commence à le croire c’est le début de la fin… Pour dire les choses autrement, je pense qu’on ne se développe et qu’on ne progresse que si l’on se remet en question en permanence. C’est une première réponse à votre question. La seconde, c’est le travail. On a beaucoup, beaucoup travaillé pendant toutes ces années. A l’inverse, beaucoup de nos confrères ont pris cette activité en dilettante, sans trop de sérieux, sans imaginer que ce que nous faisions était un vrai travail, une véritable activité professionnelle, et qu’il fallait l’exercer comme telle… La troisième, et certainement la plus importante, c’est le client. La préoccupation du client, sa satisfaction. S’interroger en permanence sur les besoins, les attentes, les envies du client. Et leurs évolutions. Et bien sûr, trouver le meilleur compromis entre ces attentes et nos propres envies, notre propre passion. Un exemple : il y a plus de 20 ans, quand on a pris conscience que nos clients ne voulaient plus porter de sac à os, et pis encore, voulaient une douche tous les jours, tous nos itinéraires les plus beaux partaient en fumée… Il a fallu en réinventer de nouveaux, tenant compte de ces contraintes… Et puis, rester à l’écoute de nos clients en permanence. C’est le plus important. Enfin, la passion, il faut qu’elle reste intacte. Car c’est la passion qui donne l’énergie, le dynamisme, la capacité d’entraîner les autres, qui autorise les prises de risque les plus folles, qui aide à surmonter les difficultés, les moments de doutes, qui relègue les questions d’argent au rang des moyens, et non des fins…

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