Le français joue des coudes

Turquie et bacon. La traduction de l’étiquette d’un sandwich vendu au Parc olympique illustre toute la difficulté du français, langue officielle aux Jeux olympiques, de faire respecter son statut. A chaque édition des Jeux, la place du français diminue.

Ex-gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean a été désignée Grand témoin de la francophonie. Peu importe les résultats sportifs, elle veille sur le respect de l’article 23 de la Charte olympique. Les langues officielles du Comité international Olympique sont le français et l’anglais, dit le texte. Michaëlle Jean sillonne donc toutes les installations, vérifie les panneaux des Jeux pour s’assurer du respect de cet article 23, reconnaissance du rôle du Français Pierre de Coubertin dans la refondation des Jeux modernes. On n’arrive pas en gendarmes, on arrive dans un esprit de partenariat, assure Michaëlle Jean. Il faut avouer que son pouvoir est limité. Il faut savoir se faire entendre. Pendant deux ans, son équipe a négocié avec les organisateurs une convention définissant quand serait offert un service bilingue. Cela aurait été un déshonneur pour Londres de faire moins bien qu’à Pékin, alors qu’il y a au moins 300.000 Français qui y vivent, note Mme Jean. Au début, certains ne voyaient pas pourquoi il fallait faire autant d’efforts pour un seul pays, car dans leur esprit la francophonie, c’était la France, explique Audrey Delacroix qui a participé aux discussions. D’autant qu’ils savaient que de telles dépenses n’auraient pas bonne presse dans les journaux populaires britanniques, peu enclins à la francophilie. Le Times lui-même avait raillé à l’époque cette drôle de guerre, esquissant quelques propositions de traduction comme : Au cas où vous l’auriez oublié, Londres a gagné le droit d’accueillir ces Jeux face à Paris.

Il a fallu rappeler qu’il y aurait 72 délégations provenant de pays francophones aux JO, se souvient Audrey Delacroix. Et beaucoup de journalistes travaillant pour les quelque 200 millions de francophones complets ou partiels dans le monde. C’est ainsi que des interprètes se relaient au parc olympique pour assurer la traduction des conférences de presse ou les interviews des athlètes.

Panneaux de signalisation et consignes de sécurité sont dans les deux langues, à l’instar du grand Welcome – Bienvenue à l’entrée du parc, tout comme le site officiel des Jeux. Le guide du spectateur est disponible en français, de même que tous les documents remis aux délégations. Et le français résonne en premier dans les stades lors des remises de médailles ou des cérémonies d’ouverture et de clôture. Quand on entend le français pendant la cérémonie d’ouverture, cela envoie un signal important, rétorque Michaëlle Jean. Bien décidée à tirer profit de cette formidable vitrine, elle a déjà pris langue avec les organisateurs de ceux de Rio en 2016.

Si la langue française arrive à se faire une place au soleil, elle reste toutefois surtout limitée au protocole et à la communication officielle. Au quotidien, l’anglais continue à régner en maître. Quant aux bénévoles chargés d’orienter le public, ils sont loin de maîtriser tous la langue de Molière.

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