Comment va se passer la lutte antidopage à Londres

La nouvelle affaire de dopage présumé dans le Tour de France rappelle que la lutte est inégale. Encore une fois, ce sont les services de police (la gendarmerie cette fois) qui ont démasqué une fraude. Pour les jeux olympiques de Londres, le passeport biologique, mis en place dans certains sports, viendra renforcer l’arsenal antidopage pour la première fois aux JO. Pour un résultat incertain.

Les premiers contrôles antidopage aux Jeux Olympiques rempote à 1968, à Mexico. Pendant longtemps, la lutte antidopage consistait essentiellement à rechercher des traces de substances interdites dans les urines ou le sang d’un athlète. Une méthode rapidement dépassée. Aujourd’hui, une nouvelle étape a été franchie avec le développement du passeport biologique, qui s’attache à mettre en évidence le dopage par les effets qu’il produit sur l’organisme. Six fédérations de sports olympiques d’été, le cyclisme, l’aviron, le triathlon, l’athlétisme, la natation et le pentathlon moderne se sont dotés du passeport. L’Union cycliste internationale (UCI) est la fédération la plus en pointe dans ce domaine. L’UCI fut ainsi la première à accuser formellement des coureurs de dopage sur la base des anomalies observées dans leur profil. L’introduction d’un profil individuel, qui est la base du passeport biologique, est quelque chose d’extraordinaire qui va nous apporter énormément d’informations, estime Patrick Schamasch, le directeur médical et scientifique du CIO. Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a reconnu la validité juridique de la méthode l’an dernier.

Mais si les contrôles restent indispensables et nombreux (5.000 sont prévus à Londres) ils ont leurs limites. Certains produits ou méthodes comme les transfusions sanguines autologues (de son propre sang) sont encore indétectables, ou d’autres ont des fenêtres de détection tellement étroites que les chances sont infimes de tomber sur un cas positif, comme c’est le cas encore pour l’hormone de croissance. Spécialiste du passeport biologique au Laboratoire antidopage de Lausanne, Neil Robinson confirme qu’on ne se dope plus de la même manière qu’il y a trois ans. Existe l’hypothèse de microdoses que les athlètes s’injectent le soir avant de se coucher. Ils ne vont pas être testés à deux heures du matin… Et le lendemain, c’est trop tard. Le passeport biologique présente surtout l’intérêt de pouvoir mieux cibler les contrôles sur les athlètes dont le profil paraît suspect. Comme le premier test de détection de l’EPO en 2000 a permis de mettre un frein aux consommations délirantes de ce produit en vogue dans les années 90, le passeport biologique a déjà forcé ceux qui se dopent à se faire plus discrets. Neil Robinson remarque un changement de comportement chaque fois qu’une Fédération implémente une nouvelle méthode. Le passeport est loin cependant d’être l’outil parfait. Pour l’heure, seul le volet sanguin fonctionne, alors que le module stéroïdien (qui permettra de révéler la prise de testostérone par exemple) et le module endocrinien (l’abus d’hormone de croissance) se font attendre. Il serait optimiste de dire que nous n’aurons pas de cas positif à Londres puisque nous n’avons jamais eu d’édition de Jeux d’été sans aucun cas, estime Patrick Schamasch. Nous aurons toujours quelques lampistes qui tomberont dans le filet. Mais pour se faire prendre à un stéroïde aujourd’hui, il faut être un petit peu stupide.

Le dopage s’est sophistiqué. L’Agence mondiale antidopage (AMA), elle-même, s’inquiétait de voir que sur les quelque 260.000 analyses menées en 2010 à travers la planète, seulement 36 contrôles positifs à l’EPO ont été rapportés. Je suis impressionné par ce que nous avons en face de nous, avance Patrick Schamasch. Je vois les méthodes qui sont utilisées. Un athlète lambda ne pourrait plus se doper avec de l’EPO ou de l’hormone de croissance comme ils le font sans disposer d’un support médico-scientifique important. Aussi, il y a peu de chances que les Jeux de Londres battent les 26 cas de dopage (le record) enregistré à Athènes, les premiers JO régis par le Code mondial antidopage, en 2004.

La lutte se fait aussi sur le terrain juridique. C’est comme partout: on arrête un voleur, et parfois l’après-midi, il est relâché, déplore Patrick Schamasch. Avec des cas qui virent à l’absurde parfois. Deux lanceurs de poids bélarusses, positifs à la testostérone aux Jeux de Pékin, avaient dû rendre leurs médailles… avant de les récupérer près de deux ans plus tard, sur décision du TAS qui avait annulé la sanction pour une broutille dans la procédure. Le CIO avait bien institué dans sa charte une règle destinée à interdire à tout athlète suspendu plus de six mois pour dopage de participer aux JO suivant la fin de leur sanction. Mais il a été contraint d’y renoncer, le TAS ayant jugé l’automne passé cette mesure contraire au Code mondial antidopage. Du coup, l’Américain LaShawn Merritt, qui avait abusé de DHEA, officiellement pour augmenter la taille de son pénis, a la chance de pouvoir défendre son titre du 400 m.
6.250 contrôles

Le CIO prend la responsabilité du programme antidopage à partir de l’ouverture du village olympique le 16 juillet. Quelque 6.250 contrôles, 5000 pour les JO et 1.250 pour les Paralympiques sont prévus à Londres, avec le soutien logistique du comité d’organisation (Locog).

Quitter la version mobile