Place aux industriels

Le temps des petites écuries est révolu. La bataille pour les parts de marché que se livrent les grands constructeurs à travers le monde s’est déplacée sur les circuits de F1. L’ère artisanale a laissé place à l’ère industrielle. Définitivement.

Ils sont tous là ou presque. Avec Daimler-Chrysler (McLaren-Mercedes), Fiat (Ferrari), BMW (Williams-BMW), Honda (Bar-Honda et Jordan-Honda), Ford (Jaguar), Renault, Toyota, le plateau 2002 de la Formule 1 affiche quasiment complet au rayon grands constructeurs. Seuls manquent à l’appel le Groupe Volkswagen et le géant américain General Motors.

54 milliards de téléspectateurs

Que ce soit en tant que fournisseurs de moteurs (Mercedes, Honda, BMW et Ford) ou comme constructeurs (Fiat, Renault et Toyota), les firmes automobiles se sont peu à peu imposées dans le paysage de la F1. Un phénomène qui s’est accentué au cours des dernières années avec l’entrée dans le capital des écuries de plusieurs d’entre eux (BMW avec Williams ou Mercedes qui détient 40 % de McLaren). Ils ne sont plus de simples partenaires techniques. Ils participent à la stratégie de l’équipe quand ils ne la décident pas carrément (choix des pilotes). La F1, sport-business par excellence, ne se limite plus à la seule Europe. Les constructeurs l’ont compris depuis longtemps et comptent bien profiter de son impact pour augmenter leurs chiffres d’affaires. La F1 est une formidable vitrine internationale, avec une audience cumulée sur une saison de 54 milliards de téléspectateurs (en France, 4,6 millions de téléspectateurs suivent chaque Grand Prix pour une part de marché de 40%). Mais toutes les équipes ne profitent pas de la même exposition. Ainsi, Sauber, 4e du dernier championnat du monde, n’a bénéficié que de 4 % du temps d’antenne des 17 manches du calendrier. Les trois plus grandes écuries, Ferrari, McLaren-Mercedes et Williams-BMW ont profité de plus de 70 % de cette visibilité ! Toyota, qui débarque sur les circuits, ne veut pas faire de la figuration. Présent depuis des années en rallye, le constructeur japonais a décidé de faire son trou en F1. Pour faire la nique à Honda bien sûr, mais également pour profiter des retombées commerciales. Toyota n’a pas lésiné sur les moyens. On parle d’un budget (pour la seule première année) de 250 millions de dollars ! Ne cherchez pas, à part Ferrari, personne n’investit autant sur les circuits.

Avec de tels budgets, pas de place pour les petits. Prost Grand Prix l’a appris à ses dépens. Faute d’obtenir l’appui d’un grand constructeur, l’écurie française a coulé avec pertes et fracas. Sauber a senti le vent du couperet. Pour équilibrer son budget la petite écurie suisse a cédé son pilote finlandais, Kimi Raikkonen, à McLaren-Mercedes pour une somme comprise entre 20 et 28 millions de dollars. S’aligner aujourd’hui sur une grille de départ requiert des capitaux. Les 11 écuries du plateau 2002 présentent, selon nos informations, des budgets oscillant entre 40 et 300 millions de dollars ! Le coût technologique est considérable. On reproche, à tort ou à raison, à Mercedes d’être à l’origine de l’inflation. Il y a dix ans, le développement d’un moteur était évalué à 2,75 millions de dollars par an. Aujourd’hui, on parle volontiers de 45 millions de dollars pour les meilleurs ! Mais disposer des fonds ne suffit pas. Malgré un investissement de 350 millions de dollars de British American Tobacco (BAT), Bar, associée à Honda, ne décolle pas et reste une écurie de milieu de grille. Le cigarettier pourrait claquer la porte et mettre fin à cette coûteuse opération mais il trouve son bonheur avec les retombés de son engagement. Ainsi, la notoriété de Lucky Strike, l’une de ses marques, a considérablement augmenté aux quatre coins du globe en s’affichant sur les flancs des F1 BAR-Honda. Qui plus est, BAT sait que revendre une écurie peut rapporter gros. Renault en rachetant pour 120 millions de dollars l’écurie Benetton a permis à la famille du même nom de réaliser une substantielle plus-value.

La technologie n’est pas la seule cause de l’explosion des budgets. L’inflation a également gagné les salaires. Au total, les écuries de F1 emploient plus de 5.000 personnes. Au sommet de la pyramide on trouve bien entendu les pilotes. Si certains payent pour courir, les autres sont rémunérés. Le podium place en tête Michael Schumacher. Le pilote Ferrari est intouchable avec un salaire de 30 millions de dollars. Jacques Villeneuve (BAR-Honda) se défend également bien avec un revenu estimé à 20 millions de dollars. Eddie Irvine (Jaguar) termine sur la 3e marche avec 12 millions de dollars par an.

415 millions de dollars de droits TV

La Formule 1, c’est également un business qui peut rapporter gros. Les grands constructeurs n’espèrent pas seulement des retombées commerciales à moyen terme. Puisqu’ils ne sont plus seulement commanditaires, ils veulent être associés aux recettes générées par le championnat du monde. L’enjeu est d’importance. Le sponsoring (apparaître sur les flancs d’une F1 est évalué à 30 millions de dollars), la billetterie (un week-end de Grand Prix rassemble des centaines de milliers de spectateurs), le merchandising, sont des sources de revenus considérables pour les écuries. Mais ce qui rapporte le plus, ce sont les Droits TV. Le pactole des droits de retransmission est évalué à 415 millions de dollars par an. Une somme sur laquelle la Slec, la holding présidée par Bernie Ecclestone et détenue (plus pour longtemps) par le Groupe Kirch, prélève une commission de 53 %, soit 220 millions ! Un taux d’imposition que Renault et consorts voudraient voir ramener à 10 % pour rentrer plus rapidement dans leurs frais.

Les grands constructeurs n’ont pas hésité à investir. Mais ils veulent désormais tout contrôler.
Le budget 2001 des écuries (millions de dollars)

Ferrari 284
McLaren-Mercedes 274
BAR-Honda 194
Williams-BMW 193
Benetton-Renault 181
Jaguar 177
Jordan-Honda 173
Sauber 83
Arrows 74
Prost 48
Minardi 47

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