Un bilan en trompe l’oeil

Le Mondial est maintenant terminé. Il est temps de tirer les premiers bilans de cette Coupe du monde asiatique qui aurait pu tourner à la catastrophe. (Première partie)

Atypique. C’est certainement l’adjectif qui convient le mieux pour caractériser ce mois de football. Pas de grande rencontre, pas de révolution sur le plan du jeu, peu de buts marqués, des stars aux abonnés absents, un système d’arbitrage dépassé, une Corée du Sud en ébullition, une carte du football Mondial redistribuée. Le bilan de cette Coupe du Monde 2002 est contrasté sur bien des plans.

Le cru 2002 de la Coupe du monde s’est caractérisé par une faible moyenne de buts par match, qui s’établit à 2,52 avec 161 buts en 64 rencontres. C’est la moyenne la plus basse jamais enregistrée depuis le Mondial disputé en Italie en 1990 (peut-être le pire tournoi de l’histoire). Après un festival de buts lors des rencontres du premier tour, les matches par élimination directe se sont soldés par des scores étriqués avec des tableaux d’affichage souvent débloqués dans les dernières minutes de jeu. Le jeu proposé a souvent été réduit à sa portion congrue. L’école de la rigueur européenne, via les championnats et les entraîneurs du Vieux Continent, a dominé ce Mondial. La quasi-totalité des participants (exception faite peut-être de la Corée du Sud) a d’abord pensé à ne pas perdre avant de gagner. C’est le règne du milieu, caractérisé à outrance par la prestation du Sénégal face à la France avec cinq joueurs chargés exclusivement de ce secteur de jeu. Il était difficile dans ces conditions d’élever le niveau. De plus, les stars attendues de ce Mondial sont pour la plupart passées à côté de leur sujet. Que ce soit Luis Figo, Juan Sebastian Veron ou Michael Owen, ils ont tous joué très en dessous de leurs valeurs supposées. Voir un Zinedine Zidane sur une jambe pendant 90 minutes seulement doit alerter les responsables du football sur la nécessité de réformer, très vite, les calendriers. Ce n’est pas un hasard si les deux meilleurs joueurs du tournoi, sont un gardien de but (Oliver Kahn) et un miraculé du football (Ronaldo). Plusieurs inconnus ont profité de ce Mondial asiatique pour se faire un nom. Le Coréen Ahn (auteur du but en or face à l’Italie) est devenu une icône dans son pays. Les Sénégalais (Diouf, Henri Camara et Papa Bouba Diop) ont changé de dimension en Asie. Tout comme les Turcs Umit Davala, Basturk ou Hasan Sas.

On ne donnait pas cher des chances de l’équipe sud-coréenne de passer le premier tour. Ce n’est qu’en demi-finale, face à l’Allemagne, que la sélection la plus étonnante de ce Mondial s’est avouée battue. Entre-temps, un pays tout entier s’était converti au football, des millions de personnes étaient descendues dans les rues pour fêter les succès face à l’Italie et à l’Espagne. La vision de millions de Coréens dans leurs tee-shirts rouges restera l’une des images marquantes de la compétition.

Jamais une Coupe du monde n’avait donné lieu à une telle redistribution des cartes. Pour la première fois, une équipe asiatique a atteint les demi-finales. En quarts de finale, toutes les Confédérations étaient représentées, à l’exception de l’Océanie, absente de ce Mondial. Un phénomène qui révèle un nivellement du niveau des équipes. L’arrivée sur le devant de la scène de nations émergentes (Corée, Etats-Unis, Turquie, Sénégal) n’a pas été sans conséquence : trois grands qui se voyaient déjà au deuxième tour ont trébuché d’entrée. La France, championne du monde en titre, n’a pas inscrit le moindre but alors qu’elle disposait des meilleurs buteurs des Championnats de France, d’Italie et d’Angleterre. Exit aussi l’Argentine et le Portugal, deux équipes souvent citées parmi les favoris dans la course au titre.

Le vrai point noir du Mondial : l’arbitrage. Trop d’erreurs ont changé le sort des rencontres. Le Brésil aurait-il été champion du monde s’il n’avait pas bénéficié, au premier tour, d’un penalty imaginaire, et d’un but belge parfaitement valable, pourtant annulé en huitième de finale ? En quatre rencontres, l’Italie s’est vue refuser cinq buts ! L’Espagne, deux dans le même match ! Le choix des directeurs de jeu par la FIFA obéit à une logique de saupoudrage politique, auquel Sepp Blatter prétend mettre un terme. Pour y parvenir, il faudra désigner les meilleurs, peu importe leur provenance. Il faudra également mettre en adéquation les beaux discours et les actes. Ce devait être le Mondial anti-simulation. Le cinéma de Rivaldo devant la Turquie, sanctionné par une ridicule amende, a démontré qu’il existe un monde entre les faits et les promesses.

Dans quatre ans, tout sera remis en cause. En Allemagne, les meilleures nations européennes auront à cœur à réparer le camouflet enregistré en Asie alors que les nations émergentes (on pense surtout ici aux Etats-Unis) voudront confirmer leurs performances.

Quitter la version mobile