Les agents de joueurs

C’est la profession en vogue dans le monde du football. Agent de joueurs. Autrefois peu nombreux, leur nombre augmente de manière exponentielle. Un simple examen suffit à faire de vous l’un des rois du football business.

L’exercice d’agent de joueurs était autrefois réservé à quelques initiés du ballon rond un peu fortunés. Pour obtenir la licence FIFA (qui n’était pas forcément nécessaire pour faire son beurre), le prétendant devait s’acquitter d’une caution de 121.959 euros et réussir un examen oral. La Fédération internationale, face aux plaintes déposées auprès de la Commission européenne pour entrave à la concurrence, s’est débarrassée du bébé en supprimant la caution et en confiant la gestion de l’examen aux Fédérations nationales.

Frais d’examen réclamés : 76,22 euros

L’effet est immédiat. Avec la multiplication des transferts et l’inflation des sommes en jeu, relayé à coup de gros titres dans les médias, le nombre de candidats, alléchés par l’aubaine, explose. Pour certains même, agent de joueurs (dont le rôle consiste à mettre en rapport et contre une rémunération un joueur et un club en vue de la conclusion d’un transfert) serait leur première expérience professionnelle. Il faut bien débuter un jour. On estime le nombre de footballeurs professionnels en France autour de 900 joueurs. Après le premier examen organisé par la Fédération Française de Football (FFF) et la FIFA, en septembre dernier, 98 agents étaient titulaires d’une licence en France contre 50 auparavant ! Sur les 96 candidats, 48 ont été reçus. Pour être élu, il suffisait de répondre à un questionnaire de vingt questions à choix multiples. La FFF et la FIFA organisent deux sessions par an. Pour la première de l’année 2002, qui a eu lieu le 21 mars, ils étaient 230 candidats à avoir acquitté les frais d’examen (76,22 euros).

La FFF a durci l’examen, mais elle ne peut rédiger que 5 des 20 questions prévues au concours. Les 15 autres sont du ressort de la FIFA. Elle tente également de faire le tri parmi les agents diplômés. Elle vient ainsi de retirer sa licence à l’un d’entre eux, Hervé Goursat, pour infraction à la loi sur le sport de 1984, qui interdit à tout agent d’exercer parallèlement une autre fonction dans un club; depuis janvier 2001, Hervé Goursat est l’entraîneur de l’AS Angoulême, un club de National. De même, Jean-Pierre Astier, agent depuis 15 ans, est dans le collimateur de la FFF. Il entretient des liens étroits avec la direction du FC Martigues (Division 2). La Fédération est convaincue qu’il participe activement à la politique sportive du club à la manière d’un dirigeant de fait. Jean-Pierre Astier se définit plutôt comme simple conseiller du président du FC Martigues, Philippe Yerolimos. Mais la FFF n’est pas exempte de tout reproche. Croyez-le ou non, les reçus de septembre exercent en toute illégalité. Selon la loi sur le sport, les modalités d’attribution, de délivrance et de retrait de la licence d’agent sportif par la fédération sont définies par décret en Conseil d’Etat. Or les décrets d’application de la loi sur le sport, votée en 2000, ne sont pas encore parus. L’ancien texte prévaut toujours. Il impose à tout agent voulant exercer de faire une déclaration préalable à l’autorité administrative. L’agrément du Ministère de la Jeunesse et des Sports n’a pas été demandé pour la session de septembre. Théoriquement, les contrats signés par ses agents sur le territoire français sont donc nuls et non avenus.

Des commissions de 7 à 10 %

L’Olympique de Marseille s’est fait une spécialité du rapprochement entre agents et club. Depuis le retour de Bernard Tapie, le club phocéen travaille exclusivement avec deux agents : Gilbert Sau et Gilbert Baresi. Le premier fait l’objet d’une information judiciaire par le parquet de Marseille. Le second (qui a obtenu sa licence lors de la session de septembre) a tout simplement été arrêté et mis en examen dans une affaire, extérieur au football, d’extorsion de fonds et de menaces de mort. Avec 26 arrivées et 32 départs (à moins que cela ne soit le contraire) depuis le retour de BT aux affaires, Sau aurait empoché 1,7 million d’euros en commissions ! En pratique, un agent de joueurs se rémunère sur le salaire de son poulain. Il ponctionne entre 7 et 10 % du salaire du joueur. Dans les faits, ce sont souvent les clubs qui passent à la caisse pour régler les frais d’honoraires des intermédiaires. En France, le total des commissions versées chaque année aux agents atteindrait 30,5 millions d’euros.

Dans ce qu’il faut bien appeler une jungle (les cas dans lesquels les agents se doublent entre eux sont fréquents), l’UNFP veut faire entendre sa différence et moraliser la profession. Le syndicat des joueurs professionnels a présenté l’un de ses membres influents, Bernard Gardon, au dernier examen. En Europe, seuls les syndicats anglais et néerlandais se sont lancés dans l’activité d’agent de joueurs. Dans le quotidien Le Monde, Philippe Piat a précisé que les prestations ne seront pas gratuites. Nous prendrons une commission de 2 ou 3 % sur les contrats signés afin de couvrir nos frais. Nous serons donc très loin des 8 à 10 % généralement demandés. Le but est aussi de montrer que l’on peut assainir le système (…) Nous aurions préféré proposer des services gratuitement, explique Philippe Piat. Mais les bénéfices n’iront pas dans nos poches. S’il y en a, ils seront versés sur le régime de retraite des joueurs.

La France n’est pas le seul pays à voir le nombre d’agents progresser. Ils étaient 590 dans le monde en septembre 2001. Le football anglais est celui qui compte actuellement le plus grand nombre (160 agents). Selon le directeur juridique de la FFF, Jean Lapeyre à raison de 200 licences délivrées par an en France, le nombre d’agents pourrait dépasser dans cinq ans la population des joueurs professionnels. Pour la FIFA, la population des agents a augmenté de 40 % depuis septembre. En Italie, le nombre de postulants est si important (604 inscriptions) que la Fédération italienne a décidé d’organiser l’examen sur… deux jours.

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