Le football à deux vitesses va s’accélérer

C’est le ménage de printemps en ce moment pour les médias. Après la faillite d’ITV-Digital, c’est le groupe de médias allemand KirchMedia qui dépose son bilan. Deux entreprises très liées au football.

Avec l’implosion des bailleurs de fond, qui succède à l’explosion des droits de retransmissions pour les manifestations sportives dans les années 90, c’est toute une économie qu’il faut revoir. Le football a mangé son pain blanc. Pour beaucoup d’observateurs, le ballon rond se prépare à traverser une période de vaches maigres.

Conséquence inévitable de la débâcle des diffuseurs, des dizaines de clubs aux quatre coins de l’Europe devraient disparaître ou tout du moins se faire tout petit dans les années à venir. Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour les groupes de médias : baisse des recettes publicitaires, recul des abonnés aux chaînes payantes, chute des audiences. Bref, de quoi mettre la clé sous la porte et changer de secteur. C’est d’ailleurs ce qui se passe. En Angleterre, on a préféré arrêter les frais. ITV-Digital a été mis en liquation alors que la plate-forme numérique apportait l’essentiel des recettes aux clubs de D2, D3 et D4 anglaises. En Allemagne, KirchMedia, principale filiale du Groupe Kirch, a déposé le bilan. La Bundesliga (championnat allemand) tremble. La plupart des équipes comptant actuellement pour vivre sur les droits de retransmission télévisée des rencontres.

Moins de football et plus de sélection

Impossible aujourd’hui de mesurer les conséquences exactes de ces différents revers. Quelques pistes tout de même. On peut être sûr que les chaînes continueront de diffuser du football. Mais plus à n’importe quel prix et pas n’importe quoi. La différence entre les grands et les petits clubs va s’accentuer. Le foot reste toujours un formidable produit d’appel, mais pas tout le foot. Si les diffuseurs se battront toujours pour obtenir l’exclusivité de Manchester United (les droits TV représentent 25 % du chiffre d’affaires de MU, soit 31,2 millions de livres sur 129 millions), il n’en sera pas de même pour les équipes plus modestes. On s’apercevra du phénomène en France dès l’an prochain. En février dernier, la Ligue Nationale de Football (LNF) a adopté un projet des clubs professionnels qui modifie la répartition des Droits TV. Aujourd’hui chaque formation de Division 1 perçoit une prime fixe de 8,3 millions d’euros par an, plus une prime en fonction du classement à l’issue de la saison (le champion de France reçoit au total 15,24 millions d’euros). Demain, la prime fixe dite de solidarité sera maintenue. Mais les 50 % restants seront repartis pour deux tiers selon le classement et pour un tiers selon l’indice de notoriété (exposition médiatique, taux de remplissage des clubs à l’extérieur sur les cinq dernières années) ! Une mesure qui avantage les clubs comme le Paris SG ou l’ Olympique de Marseille. Le principe de solidarité est relativement préservé dans le championnat de France. Malgré un endettement de 290 millions d’euros, les clubs de Division 1 sont moins exposés par la purge actuelle que leurs voisins Italiens ou Espagnols. Dans le Calcio et dans la Liga, les clubs sont libres de céder leurs droits individuellement. C’est ici que la casse devrait le plus se faire sentir. Des formations comme le Rayo Vallecano, ou Majorque, en Espagne ne peuvent rivaliser avec l’impact médiatique du Real Madrid (pour qui les droits TV représentent 43 millions d’euros sur un chiffre d’affaires de 218 millions) et du FC Barcelone. Conséquence perverse de cette surmédiatisation, les sponsors vont également se concentrer sur les clubs les plus diffusés. Ces puissants pourront donc toujours s’offrir les meilleurs joueurs.

Les grands clubs n’ont donc rien à craindre, de même pour les grandes compétitions. La Coupe du Monde de football paraît incontournable pour un diffuseur. Mais pas la coupe Intertoto par exemple. Créée pour plaire aux TV (eh oui) il y a quelques années, cette compétition de repêchage pour les clubs qui ont raté leurs championnats (ça arrive) n’attire plus personne. Les rencontres (qui se disputent pendant la préparation estivale) n’attirent pas les foules. Les stades sont vides et les audiences ne sont pas terribles. Sa disparition ne devrait pas émouvoir grand monde. La Ligue des Champions est victime de son succès. A trop vouloir en faire pour plaire aux diffuseurs (encore) et aux clubs, l’UEFA a tué la poule aux œufs d’or. TF1 verse 42 millions d’euros par an pour un produit où les clubs français font de la figuration et où le spectateur ne veut plus de cette litanie des phases de poule (deux au total). Les audiences sont en baisse partout en Europe. La Ligue des Champions n’est plus un événement. Les rencontres programmées sur TF1 sont d’ailleurs retransmises en différés depuis plusieurs semaines. La compétition ne va pas disparaître mais un reformatage (que l’UEFA refuse de faire) est urgent.

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