La mondialisation du football

La défaite française face au Sénégal a donné le ton à ce tournoi révolutionnaire. Pour la première fois depuis sa création, la Coupe du Monde réunit en quarts de finale 8 équipes issues des 5 confédérations présentes en Asie. Phénomène durable ?

Dans quelques années, on se souviendra peut-être que la hiérarchie mondiale du football a explosé en ce mois de juin 2002. Le séculaire duel Europe-Amérique du Sud a volé en éclat. Jamais depuis 1970, le contingent européen n’avait été aussi faible à ce niveau de la compétition. Lors du débarquement, ils étaient 15. En quarts de finale, les pays de la vieille Europe ne sont plus que quatre (Allemagne, Angleterre, Espagne et Turquie). Deux anciens champions du monde (Allemagne et Angleterre) et un bizut (Turquie). L’Amérique du Sud n’a pas de quoi pavoiser. Seul le Brésil est encore présent pour la représenter. Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du Monde, tous les continents présents au départ sont qualifiés pour les quarts. L’Afrique aura le Sénégal (première participation à un Mondial), la Concacaf les Etats-Unis (demi-finalistes en 1930) et l’Asie comptera sur la Corée du Sud (qui n’avait jamais remporté le moindre match de Coupe du Monde jusqu’à cette édition 2002). Montrée du doigt après sa piteuse élimination du premier tour, la France a été rejointe dans le purgatoire par l’Argentine, le Cameroun (champion d’Afrique), l’Italie ou encore le Portugal.

A qui la faute ? A quoi ? Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer cette dispersion des valeurs.

– La première tient au calendrier. En Europe, il est devenu démentiel avec les matches de championnats, les coupes en tous genres, les rencontres internationales. Pour le football, il n’existe plus de trêve. Les cas de forfaits sur blessure avant l’épreuve asiatique se sont multipliés comme jamais. Fatigués, les joueurs sont arrivés vidés de leurs forces.
– La seconde explication tient aux progrès réalisés par les sélections du monde entier. Vu du Vieux Continent, les performances de la Corée du Sud paraissent surréalistes. En juin 2001, l’équipe de France battait les Coréens 5 à 0. Un an plus tard, ils sont quarts de finaliste de leur Coupe du monde… Sous la houlette de l’entraîneur néerlandais Guus Hiddink, les joueurs asiatiques ont progressé dans tous les domaines. Depuis six mois, tout a été fait pour la sélection sud-coréenne. Le championnat local a été arrêté afin que les internationaux participent à des stages de préparation. Le niveau de jeu, la condition physique se sont considérablement élevés. Les nations en développement ont compris qu’une bonne équipe commençait par un bon entraîneur; elles ont importé des professionnels formés à l’école européenne. Ces missionnaires ont bâti des formations assises sur la discipline collective et le travail physique au lieu de miser sur le pur talent individuel. Transcendées par le patriotisme qui entoure ce genre d’événement, elles ont déjoué tous les pronostics.
– La troisième explication tient au rôle de la FIFA. Depuis des années, la Fédération internationale multiplie les actions en faveur du développement du football : création des championnats du monde des moins de 20 ans (première édition en 1977), des moins de 17 ans (1985), de la Coupe du Monde féminine (1991). Elle a également pesé de tout son poids pour faire sortir la Coupe du monde d’Europe ou des Amériques en attribuant pour la première fois à l’Asie l’organisation de l’épreuve. En 2010, l’Afrique devrait accueillir les meilleures nations du monde. Depuis 1999, la FIFA aide financièrement ses pays membres au travers du projet GOAL. Elle reverse un million de dollars pour aider au développement des fédérations nationales défavorisées. Une manne pour plusieurs pays en manque de moyens.

Les qualifications de la Corée du sud, au détriment de l’Italie, et du Sénégal, contre la Suède, confirment le nivellement des valeurs et l’élargissement de l’élite qui caractérisent cette surprenante Coupe du monde. L’universalisation du ballon rond est en route. Elle devra être confirmée en 2006, en Allemagne.

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