Fausse piste

La Ligue 1 est d’une tristesse affligeante. Avec une moyenne de 1,88 réalisation par match, notre championnat est le cancre de l’Europe. Président de la LFP, Frédéric Thiriez a demandé un rapport à Michel Hidalgo pour réfléchir à un éventuel système de bonus. Une fausse bonne idée.

Nous ne sommes pas des aficionados du point bonus. Actuellement en vogue dans le rugby, ce système est supposé privilégier l’offensive. Le rugby va plus loin en attribuant également un bonus défensif pour l’équipe qui perd de moins de sept points. L’efficacité de la mesure reste à prouver. Ce n’est pas parce qu’une équipe marque effectivement quatre essais au cours du même match que la rencontre a été spectaculaire. Lors de la dernière journée du Top 14, Toulouse et le Stade Français ont étrillé Pau (52-9) et Toulon (31-3). Mais c’est uniquement la différence de niveau qui explique ces résultats déroutants. Ce bonus nous semble surtout contraire à l’esprit du sport. Il peut aussi entraîner des dérives en fin de saison avec des arrangements entre amis. Le football l’a déjà expérimenté dans le courant des années 1970. L’apparition de résultats étranges avait entraîné sa disparition.

Non vraiment, la solution n’est pas dans l’instauration d’un système arithmétique qui n’est pas dans la philosophie du football. De toute façon, le mal français repose, hélas, sur des bases solides. C’est vrai, on ne marque pas beaucoup dans le Championnat de France. Le drame de notre Ligue 1 ne vient pas de la multiplication des 0-0, mais plutôt de l’absence de jeu. Les rencontres où les occasions franches se comptent sur les doigts d’une main se multiplient. Ce phénomène est lié à plusieurs choses.

Dans le désordre. Un rapide tour d’horizon permet de constater que les buteurs, les vrais, les renards des surfaces, ne sont pas légion en Ligue 1. On peut citer Pauleta au Paris SG et Alexander Frei au Stade Rennais. Ensuite, c’est le désert. Fiscalement et économiquement, la France ne pouvait pas lutter avec ses voisins européens. L’exode des meilleurs joueurs du Championnat a appauvri la qualité technique de la Ligue 1. Il convient de parler au passé, car l’argent de Canal + (600 millions d’euros par saison pendant trois ans), ainsi que les mesures fiscales votées récemment (droit à l’image en particulier) devraient permettre aux formations françaises de se renforcer à moyen terme. Mais le retour de joueurs spectaculaires ne suffira pas. Le jeu des équipes françaises est bridé. La bataille se joue essentiellement au milieu de terrain où pas un seul mètre carré d’espace n’est laissé à l’adversaire. Les équipes sont construites avant tout pour ne pas prendre de but. La faute aux entraîneurs ? Ce sont eux qui décident des schémas tactiques. Ils détiennent une grande partie du sort d’un match. Mais il ne faut pas oublier la pression qui s’exerce sur eux. La saison passée, un entraîneur sur deux a quitté son poste prématurément en L1. Compte tenu des enjeux économiques, les présidents de club pressent leur entraîneur d’obtenir des résultats. Et vite.

Le cercle est vicieux. Absence de grands joueurs, jeu cadenassé, entraîneurs frileux, l’embellie n’est pas pour demain. La première chose qu’il convient de faire, c’est de changer les mentalités. La mesure est simple. Lorsqu’on regarde les rencontres du Championnat d’Angleterre, la différence saute aux yeux. C’est sûr, les défenses de la Premier League ne sont pas les meilleures du monde, mais le désir d’aller systématiquement vers l’avant, un engagement physique proche de la limite, associé à un arbitrage qui laisse le jeu se dérouler, débouchent sur des rencontres souvent spectaculaires. Même lorsqu’elles se terminent par un 0-0. Cette révolution, le football français doit la faire dès maintenant. Sinon, au prochain appel d’offres pour les droits de retransmission, il risque de grimacer en décachetant les enveloppes.

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