De la Banderole à l’affaire d’état

La banderole anti-Ch’tis déployée par les supporteurs du Paris SG, samedi lors de la finale de la Coupe de la Ligue, a provoqué des réactions en chaîne dans la classe politique et une mobilisation sans précédent du mouvement sportif bien que ce phénomène soit récurrent sur tous les terrains de France. Décryptage avec Patrick Mignon, sociologue à l’Insep (Institut national du sport et de l’éducation physique) et Cyril Lemieux, sociologue et spécialiste des médias, interrogés par l’AFP.

Une succession de scandales. La polémique sur la banderole fait suite aux affaires Ouaddou et Kébé même si ce sont des problèmes différents liés au racisme, explique Patrick Mignon. Les insultes racistes proférées, le 14 septembre, par des supporteurs bastiais à l’encontre de Boubacar Kébé, joueur burkinabé de Libourne-Saint-Seurin, ont provoqué une prise de conscience de la part des autorités sportives qui ont décidé depuis de frapper fort à chaque incident. Le club corse a ainsi été pénalisé d’un point pour le comportement de ses supporteurs, tout comme le FC Metz, dont l’un des fans avait insulté le joueur marocain de Valenciennes, Abdeslam Ouaddou, le 16 février.

Le rôle des politiques. Passée presque inaperçue le soir de la finale, la polémique sur la banderole a pris une tout autre tournure avec la conférence de presse organisée dès le lendemain de la défaite de Lens par le député-maire de la ville Guy Delcourt, qui a alors annoncé le dépôt d’une plainte pour incitation à la haine et à la violence. Les déclarations outrées de l’édile nordiste ont fait basculer cet incident dans la sphère politique, entraînant des réactions en chaîne dont celle du Président de la République qui a parlé d’un comportement inadmissible et d’une banderole haineuse, avant de recevoir les dirigeants du club et M. Delcourt à l’Elysée, mardi. Ce sont les politiques qui souvent donnent l’impulsion, explique Cyril Lemieux, spécialiste des médias. Si Sarkozy et le maire de Lens n’avaient rien dit, il ne se serait rien passé. Le coeur du problème, c’est la dynamique enclenchée par les politiques. Une fois que c’est parti, les médias entrent dans la brèche. L’image est importante pour les hommes politiques, indique, de son côté, Patrick Mignon. L’Etat veut montrer qu’il agit et les élus locaux veulent faire comprendre qu’ils se soucient de l’image et de l’honneur de leurs administrés.

Un contexte particulier. Retransmise en direct sur une chaîne en clair (France 3) à une heure de grande écoute, cette finale de la Coupe de la Ligue s’est également déroulée sous les yeux de nombreuses personnalités politiques et sportives. C’est d’ailleurs, le chef de l’Etat, présent dans la tribune officielle, qui a exigé le retrait de la banderole. Quelque chose qui est vue à la télévision est plus facilement communicable. Il y a donc un caractère exceptionnel et spectaculaire qui provoque l’émotion. C’est le phénomène +Vu à la télé+, déclare M. Mignon. L’image désastreuse des fans du PSG, souvent associés dans l’opinion publique aux mouvements d’extrême droite, a aussi facilité les commentaires indignés entendus depuis une semaine sans que cette affaire ait un quelconque lien avec le racisme. Jusqu’à occulter une agression à caractère raciste survenue avant le match dans une station du RER.

Un effet Bienvenue chez les Ch’tis? Le succès historique du film réalisé par Dany Boon, vu jusqu’ici par plus de 16,5 millions de spectateurs, a provoqué un phénomène d’identification aux victimes, selon Patrick Mignon. Le succès du film a montré qu’une région souvent stigmatisée pouvait apparaître sympathique, affirme le sociologue. C’est une façon de dire: +Nous sommes tous des Ch’tis+. Si les gens n’avaient pas vu le film, ils n’auraient peut-être pas réagi de cette manière, assure, pour sa part, M. Lemieux.

Quitter la version mobile