Pour Sotchi, rien n’est trop beau

Dans quinze jours, Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), prononcera son discours de clôture des Jeux olympiques de Sotchi. Comme le veut la tradition, la ville hôte sera remerciée pour avoir organisé les meilleurs Jeux de l’histoire. En attendant, Sotchi a déjà gagné ses galons pour avoir mis sur pied les Jeux olympiques les plus chers de l’histoire, été comme hiver.

Pour une première, la Russie a frappé fort. Sotchi organise les premiers Jeux d’hiver de l’histoire de la Russie en pulvérisant tous les records. La facture totale est estimée à 37 milliards d’euros. Du jamais vu. Même pour les Jeux de Pékin en 2008. Pour sa démonstration de force, Pékin n’avait dépensé que 26 milliards d’euros. Initialement, les décideurs soviétiques avaient fixé le budget à 7 milliards d’euros. Mais les coûts ont explosé, répartis pour moitié entre fonds publics et privés, selon le vice-Premier ministre russe Dmitri Kozak, chargé de superviser les travaux. L’Etat russe a consacré quelque 700 milliards de roubles (17 milliards d’euros) : 200 pour la construction de sites olympiques à Sotchi et environ 500 pour l’aménagement d’infrastructures. Mais les autorités russes n’ont pas fourni jusqu’ici de chiffres détaillés sur le coût de tous les aménagements liés aux JO. Parmi les nouvelles infrastructures de la station balnéaire figurent notamment une nouvelle route et une nouvelle voie de chemin de fer reliant le village olympique au bord de la mer Noire et la station de ski Krasnaïa Poliana à une cinquantaine de km, deux gares ferroviaires, 77 ponts, 12 tunnels et un nouvel aéroport ! Comme à Londres, les Jeux ont servi à une opération de transformation du paysage.

Des investissements massifs auxquels il faut ajouter le coût du parc olympique, divisé entre les pôles mer et montagne. Bâti sur des terres vierges de construction en bord de mer, le premier abrite le stade Fisht dans lequel se tiendront les cérémonies d’ouverture et de clôture. Autour de cette enceinte centrale, cinq bâtiments ultra-modernes accueilleront les sports de glace (hockey, patinage, curling). Plus haut, sur la commune de Krasnaïa Poliana, le second s’apprête à accueillir les épreuves sur neige (ski alpin), tremplin (saut à skis) ou piste (bobsleigh, luge). Une cinquantaine de kilomètres seulement sépare les deux sites. Mais la géographie accidentée de la zone a obligé la Russie à de lourds travaux pour raccourcir le temps de transport entre montagne et mer (30 minutes au lieu de 2 heures).

Accusés d’avoir bouleversé l’écosystème local, les Jeux passent aussi pour avoir laissé une large place à la corruption. Les détournements représenteraient un tiers du budget ! A côté, les 4,5 millions d’euros dépensés pour en faire voir de toutes les couleurs à la flamme olympique passent pour de l’argent de poche.

Le Comité international olympique (CIO) botte en touche sur le sujet. D’un côté, il dit vouloir maîtriser le coût des Jeux et de l’autre il rejette la faute sur les villes organisatrices. En tant que président de la commission de coordination du CIO de ces JO, Jean-Claude Killy rappelle que c’est le pays et la ville d’accueil qui ont voulu profiter de l’événement pour investir dans des infrastructures afin de développer la région, et non pas le CIO qui a exigé toutes ces dépenses. Entre le coût opérationnel des Jeux, le coût des sites olympiques, et les investissements extra-sportifs, le triple médaillé d’or des Jeux aimerait à l’avenir que soient faites plus clairement les différences. Le budget des Jeux doit être expliqué de manière différente, a fait valoir le Norvégien Gerhard Heiberg, qui il y a quelques mois avait invité ses compatriotes à sauver les Jeux Olympiques par le biais d’une candidature d’Oslo qui permettrait de démontrer qu’il est tout à fait possible d’organiser de beaux Jeux avec un budget modeste comme ce fut le cas à Lillehammer en 1994. Mais les Jeux font peur. L’hiver dernier, Vienne a voté contre l’idée d’une candidature olympique, la population de la région de St-Moritz en Suisse a dit également non aux Jeux d’hiver de 2022, imitée par les habitants de la région de Munich six mois plus tard. Stockholm avait bien déposé sa lettre d’intention mi-novembre mais a décidé de se retirer de la course en janvier.

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