Le cyclisme est-il en crise ?

Depuis le début de l’année, le cyclisme n’a pas donné sa part au lion en matière de coups durs. Alors que des organisateurs sont en difficulté, que des sponsors se retirent, seul le Tour de France prospère. Pourquoi le cyclisme a-t-il du mal à se vendre ?

Les départs annoncés de Bonjour, BigMat et Mapei, la fusion entre les équipes Domo-Farm Frites et Lotto-Adecco, ainsi que les difficultés financières de la Kelme nous rappellent que l’équilibre du cyclisme professionnel est très fragile. La crise actuelle de financement du cyclisme a failli avoir la peau de Paris-Nice en début de saison. On a tour à tour accusé le dopage, la télévision, le Tour de France, la crise économique pour expliquer les difficultés des organisateurs français. C’est une addition de tous ces problèmes qui gangrène le cyclisme actuel.

LE DOPAGE
Le milieu paie encore aujourd’hui les retombées de l’affaire Festina (juillet 1998). L’équipe Bonjour en sait quelque chose. Au lendemain des multiples affaires de dopage du Giro, Système U, qui devait suppléer Bonjour en fin de saison, a renoncé à s’investir dans le cyclisme.

LA CRISE ECONOMIQUE
L’époque ou, par amour du sport, un capitaine d’industrie acceptait d’investir à fonds perdus sans contrepartie est révolue. Aujourd’hui, une équipe cycliste coûte entre 3 et 6 millions d’euros par an et l’investissement nécessite un retour. En période de crise, les budgets communication sont souvent les premiers à en faire les frais ou à être réorientés.

LE TOUR DE FRANCE
La Grande Boucle est souvent accusée de vampiriser les sponsors et les télévisions. Un argument que réfute Thierry Cazeneuve, organisateur du Dauphiné Libéré, S’il n’y avait pas le Tour, le cyclisme n’existerait plus. Patrice Clerc, président d’Amaury Sport Organisation (ASO), fait remarquer que Dans chaque sport, il y a un grand événement qui a vocation d’être une locomotive. On ne peut pas dire que la Coupe du monde de football écrase le reste du foot, au contraire. Pourtant les faits sont là. Chaque année, l’annonce des équipes sélectionnées pour le Tour est vécue comme un drame. Jean Delatour a été sauvé par l’exclusion de la Saeco après le scandale du dernier Tour d’Italie. BigMat-Auber 93 a eu moins de chance. Non retenu, pour la seconde fois en six ans, son principal sponsor se retire à la fin de l’année. En début de saison, on plaisantait dans les pelotons : Pour que chaque épreuve s’en sorte, peut-être faudrait-il que la Société du Tour les rachète. Michel Gros, directeur sportif de Jean Delatour, constate qu’ASO a des armes que les autres n’ont pas. C’est un peu comme IMG qui a racheté les tours de Romandie et de Suisse : on sent vraiment une culture sponsoring qui est l’élément moteur pour la pérennité d’une entreprise. C’est alarmant, appuie Bernard Quilfen, chez Cofidis. Les critériums sont en voie de disparition, c’est un autre signe qui interpelle. Nous entrons dans une période de crise parce que l’image du cyclisme n’est pas assez répandue.

LA TELEVISION
Ces dernières années, les chaînes ont réduit la voilure en matière de diffusion du cyclisme (129 heures de retransmission en 2001 sur les chaînes hertziennes). Certains directeurs sportifs dénoncent le désengagement du principal partenaire télé malgré une popularité toujours présente. Comme pour d’autres sports, la télévision est le nerf de la guerre. Bernard Quilfen constate qu’il y a 15 ou 20 ans, toutes les étapes du Midi Libre, du Dauphiné, même des Quatre Jours de Dunkerque étaient retransmises en direct. Aujourd’hui, excepté le Tour, on pleure pour avoir des bouts de résumé. Le handicap du cyclisme réside dans les coûts de production d’image (environ 120.000 euros par jour de course). En période de vaches maigres publicitaires, les télévisions sont confrontées à des restrictions budgétaires. La solution réside alors dans la co-production. Pathé Sport diffuse le Midi Libre parce que les organisateurs participent aux frais de production.

LE CHAMPION FRANÇAIS
Les formations françaises apparaissent comme les plus fragilisés du peloton. Economiquement, elles ne peuvent rivaliser avec leurs homologues étrangères. Le constat de Jean-Marie Leblanc est sans appel. Est-ce que le cyclisme a besoin de sept équipes françaises ? Poser la question est déjà y répondre. Je préférerais un nombre plus modeste avec des éléments plus performants. Il faut être réaliste : la France est en queue de peloton. Sur les trente équipes de première division UCI, le dernier classement montre seulement Cofidis dans les dix premiers. Les Français ne marquent pas de points à l’étranger !. Il manque une star au peloton français. Jalabert, Virenque ont du charisme mais le nouveau Hinault est-il né ?, s’interroge Quilfen. On a besoin d’un nom qui tire le cyclisme vers un renouveau médiatique. Un centre d’intérêt, un vainqueur du Tour de France par exemple, serait ainsi idéal pour bâtir une communication.

Dressé ainsi, le tableau apparaît bien noir. Il existe pourtant des raisons d’espérer pour le cyclisme. Au final, Paris-Nice existe encore. De nouvelles épreuves ont vu le jour (Tour du Qatar, de Malaisie), d’autres ont été relancées (le Tour d’Allemagne depuis trois ans, le Tour de Belgique depuis cette année). Des sponsors se retirent mais d’autres arrivent (Phonak, Team Coast) ou restent fidèles (les trois partenaires majeurs du Dauphiné Libéré – Fiat, la région Rhône Alpes, Crédit Agricole – sont présents respectivement depuis 34, 13 et 10 ans). Un autre point fort du cyclisme, que l’on oublie trop souvent, réside dans son rapport qualité-prix. Je suis étonné que les investisseurs soient aussi frileux. Pour un sponsor, je ne connais pas un sport dont le rapport qualité-prix soit aussi important en terme de notoriété déplore Michel Gros.

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