La Chine se réforme

A l’image de Li Jinzhe, meilleur performeur de l’année à la longueur, une nouvelle génération de stars entraînées à l’étranger fait de la Chine une puissance émergente en athlétisme, mais leur indépendance d’esprit met le système sportif de l’Etat communiste sous pression.

Ce n’est pas une surprise. Je m’attendais à bien sauter, a commenté l’athlète de 23 ans après sa victoire à Shanghaï le 18 mai avec le meilleur saut de l’année (8,34 m). Au sein du système sportif d’Etat, qui a permis à la Chine de terminer première aux JO 2008 de Pékin avec 51 médailles d’or, beaucoup de talents sont tirés de leur famille très jeunes, pour s’entraîner à un rythme effréné. Mais alors que l’attention est désormais tournée vers les Mondiaux 2015 d’athlétisme à Pékin, des experts affirment que les méthodes d’entraînement étrangères, moins intensives, donnent de meilleurs résultats.

Li s’entraîne aux Etats-Unis avec Loren Seagrave, qui a notamment travaillé avec le Canadien Donovan Bailey, ancien recordman du monde du 100 m, après son titre olympique (1996) et la Bahaméenne Pauline Davis-Thompson, sacrée sur 200 m aux JO 2000. Seagrave a aussi entraîné Zhang Peimeng, qui a battu le record de Chine du 200 m à Shanghaï (20.47), un mois seulement après avoir amélioré celui du 100 m (10.04). Nos méthodes d’entraînement leur font expérimenter une culture différente de la leur. Ils sont obligés de s’ouvrir, et ça les amène au succès, a déclaré le coach. Zhang Peimeng, 26 ans, devrait désormais travailler avec John Smith, l’ancien mentor de Maurice Greene et Marie-José Pérec, qui entraîne la championne du monde 2011 du 100 m et deuxième femme la plus rapide de tous les temps, Carmelita Jeter. Pour les coureurs de fond, des projets visent à les envoyer au Kenya et en Éthiopie.

Pékin veut pourtant limiter l’exposition de ses jeunes talents à l’influence extérieure, de peur qu’ils privilégient leur propre carrière plutôt que la gloire de la nation. De plus en plus de coaches ou d’autres techniciens étrangers collaborent (avec la fédération), il y a donc un progrès, mais les choses avancent lentement, estime l’agent néerlandais Jos Hermens, qui travaille avec la Fédération chinoise d’athlétisme. Ils vont progresser et gagner plus de médailles dans les années à venir, dit-il, mais les choses avancent doucement en Chine, au moins en sport, car le système est très conservateur.

Cette nouvelle approche a permis à la Chine de progresser au-delà des disciplines qu’elle dominait traditionnellement : tennis de table, badminton, plongeon, gymnastique, tir ou haltérophilie. La République populaire a ainsi pris la deuxième place en natation aux JO 2012, avec cinq médailles d’or, dont quatre pour l’adolescente Ye Shiwen et le jeune Sun Yang, avec deux records du monde à la clé. Tous deux avaient passé du temps en Australie auprès des meilleurs entraîneurs, alors que d’autres athlètes s’entraînent aux Etats-Unis.

Certains sportifs chinois célèbres évoluent déjà hors des circuits étatiques. C’est le cas de Li Na, victorieuse de Roland-Garros en 2011, après avoir recruté ses propres coaches. Ou du petit génie du golf Guan Tianlang, 14 ans, entraîné par un professeur privé. Il est devenu le plus jeune golfeur à participer à un Grand chelem le mois dernier au Masters d’Augusta.

Li et Guan ont non seulement la liberté de décider de leur carrière, mais ils peuvent surtout garder 65 % de leurs gains, selon des informations de presse, alors que les sportifs d’Etat n’en conservent que 12 %.

Mais l’athlétisme n’est pas aussi lucratif que le tennis et le golf. Liu Xiang, héros national en 2004 pour avoir rapporté la première médaille d’or olympique chinoise en athlétisme, sur 110 mètres haies à Athènes, est resté dans le système d’Etat. Privé des Jeux de Pékin puis de Londres sur blessure, le presque trentenaire est à nouveau hors course cette saison, qui pourrait être sa dernière. Certains mettent en cause la pression des coaches, qui l’auraient poussé à courir alors qu’il n’était pas remis de ses blessures. La Chine espère désormais que Xie Wenjun suivra les pas de Liu.

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